Pénurie de professionnels en protection de l’enfance : une situation alarmante !

Uniopss

L’Uniopss a rendu publics, le 16 novembre, les résultats d’une enquête nationale menée en novembre auprès des établissements et services de protection de l’enfance du réseau Uniopss-Uriopss. La quasi-totalité des répondants pointent des difficultés de recrutement qui impactent la qualité de l’accompagnement d’enfants fragilisés et la santé de professionnels sur-mobilisés.

314 établissements et services de protection de l’enfance ont répondu à l’enquête du réseau Uniopss-Uriopss de novembre 2023, portant sur la pénurie de professionnels en protection de l’enfance et ses effets, tant sur les équipes que sur les conditions d’accueil et d’accompagnement des enfants. Ces établissements et services sont implantés sur tout le territoire national et assurent des accompagnements ou accueils divers (structures collectives, accueil familial, accueil de jour, logements diffus, accompagnements à domicile/en milieu ouvert, prévention spécialisée...).

Des difficultés de recrutement généralisées et un taux moyen de postes vacants s’élevant à 9 %

Sur les 314 établissements et services ayant répondu à l’enquête, 97 % déclarent rencontrer des difficultés de recrutement. Le taux moyen de postes vacants (tous postes confondus) s’élève à 9 % (contre 5 % sur l’ensemble du secteur sanitaire, social et médico-social privé non lucratif selon le baromètre Fehap-Nexem réalisé début 2022).
Les vacances de postes concernent massivement les travailleurs sociaux mais également les postes d’encadrement, de secrétariat et d’autres personnels non éducatifs tels que les agents d’entretien et les comptables. Les difficultés de recrutement se doublent d’arrêts de travail des professionnels en poste et de démissions. Ces résultats illustrent des difficultés de recrutement ancrées touchant les métiers de l’accompagnement social et éducatif. La faible attractivité touche le secteur dans sa globalité (établissements, accompagnements en milieu ouvert, prévention spécialisée…) et concerne également les métiers administratifs et techniques.

Dans ce contexte, le recours à l’intérim est important (près de 40 % des répondants déclarent y recourir). Il est néanmoins très coûteux pour les établissements et services et peut déstabiliser les équipes en place (turn over des professionnels en intérim, écarts de rémunération…).   

Une situation alarmante malgré une mobilisation des associations en faveur de l’attractivité du secteur

Une très large majorité des établissements et services associatifs ayant répondu à l’enquête conduisent des réflexions et des actions pour trouver des solutions à la pénurie de professionnels.
Malgré cela, au cours des derniers mois, faute de professionnels, 20 % des établissements et services ont été contraints de réduire leur capacité d’accompagnement en semaine ou les week-ends. Un peu plus de 5 % ont été contraints à des fermetures totales de service en semaine ou les week-ends. Sur ces périodes de réduction de capacité ou de fermeture, les enfants accompagnés peuvent retourner en familles ou être accueillis ou accompagnés par d’autres services. Ces alternatives sont mobilisées y compris lorsqu’elles ne correspondent pas au projet pour l’enfant et à ses besoins.

Dans un contexte dégradé, beaucoup d’établissements et services évoquent ainsi des actions mises en place pour « faire avec » la pénurie de professionnels : des recrutements de professionnels sans aucune formation, des reports d’activité sur le reste de l’équipe, des missions non assumées, au mépris des droits des parents et des enfants (non-respect des droits de visite et d’hébergement, annulation des visites médiatisées entre les enfants et les familles…), des listes d’attente qui s’allongent…  
La situation décrite par les établissements et services ayant répondu à l’enquête est alarmante. Les risques réels pesant sur la qualité de l’accompagnement, la sécurité des enfants, et la santé des professionnels sur-mobilisés sont réels.

Un contexte de saturation des dispositifs

Dans un contexte d’augmentation continue du nombre d’enfants et de jeunes protégés par l’aide sociale à l’enfance, près de 60 % des établissements et services ont été contraints, au cours des derniers mois, de dépasser leur capacité autorisée d’accueil ou d’accompagnement. Ces établissements ou services accompagnent donc un nombre trop important d’enfants par rapport aux moyens dont ils disposent. Pour près de 30 % des répondants, ce dépassement de capacité autorisée est régulier ou permanent.

Près de 45 % des établissements et services de protection de l’enfance ayant répondu à l’enquête sont également amenés à accompagner des enfants et des jeunes dont les profils ne correspondent pas au projet d’établissement ou de service. Outre la question importante de la légalité de ces accueils, ces accompagnements sont bien souvent synonymes d’une protection ne permettant pas de répondre aux besoins des enfants et d’équipes mises à mal : locaux et matériels inadaptés, professionnels non formés, absence d’étayage par des secteurs partenaires… De manière massive, ces accueils ou accompagnements hors habilitation concernent des enfants ou jeunes en situation de handicap, incluant des troubles psychiques (76 % des répondants).

Ces accueils et accompagnements en surnombre, et/ou inadaptés aux besoins des enfants, génèrent des tensions et accentuent la perte de sens au travail des professionnels.
La protection de l’enfance pâtit de difficultés structurelles à répondre de manière réactive et adaptée au besoin de protection des enfants mais aussi des carences d’autres secteur, notamment dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap.